Se mettre en marche


« Treize mois passés en famille, sur quatre continents, à la rencontre des beautés de la nature et de ceux et celles qui s'obstinent à améliorer la vie de leur communauté ou de leurs frères en humanité » : cette présentation synthétique est volontairement réductrice de ces dix mille heures de découvertes, de rencontres, d’émerveillement, de peur, de questionnement, de révolte, de remise en question que nous avons vécues à sept dans la joie.

Genèse… Avant la réalité était le rêve, une intuition, une idée de couple plus ou moins exprimée que nous repartirions avec nos sacs à dos dès que nous le pourrions. « Repartir » parce que nous avions déjà goûté, étudiants et jeunes adultes, aux plaisirs des journées non planifiées, des nuits en bus, des visages et des noms qui restent gravés au fond du cœur, des aventures qui font froid dans le dos mais qui se terminent bien comme par magie, des levers de soleil qui changent une journée.

Quinze ans, cinq filles et deux vies salariées plus tard, le rêve prenait la forme d’un tour du monde et portait comme nom de code Espérance7. Il restait encore à faire le principal : donner un sens à ce voyage que nous allions accomplir. Je ne me souviens plus comment nous avons annoncé la nouvelle du départ à nos enfants mais je garde clairement en mémoire l'étonnement mêlé de crainte lorsque j'ai réalisé, alors que les préparatifs pratiques étaient déjà bien avancés, que chaque membre de la famille avait une idée bien personnelle et très différente de ce que recouvrait le terme « tour du monde ».
Et cette divergence de vues, somme toute amusante et dynamisante chez les enfants -entre celle qui voulait voir des koalas et celle qui voulait jouer au football avec des Brésiliens- pouvait devenir un obstacle à la réussite de notre aventure lorsqu'elle touchait les parents. Nous avons donc formalisé nos attentes. Un tronc commun en a émergé : notre famille évidemment. Par contre, les propositions sur le terreau -ce que ce voyage lui apporterait pour la faire grandir- et sur les fruits -ce que la famille donnerait en retour- étaient loin d'être identiques... influence de Mars et de Vénus ?

Pour harmoniser nos points de vue, le fil conducteur a été la rencontre, l'intuition que l'autre serait l'initiateur, le formateur,  le guide, le maître. Le sens de notre voyage était là : vivre en famille une période où nous aurions le temps et les moyens de rencontrer Françoise, directrice d'école alternative au Québec ; Anita, protectrice des oiseaux brésiliens ; Hélène et Raphaël, parents de cœur de trois Brésiliens ; José, animateur de communautés depuis cinquante ans dans une île chilienne ; Marie, volontaire dans un centre de spiritualité en Inde ; Bernard, homme de compassion pour les hors castes à Pondichéry ; Père Suresh, intouchable au service des intouchables ; sœur Hatsuki, responsable du foyer Emmaüs de Tokyo ; Madeleine et ses trois cents orphelins malgaches...
Bien évidemment, nous ne connaissions pas encore tous ces visages, ni même leur nom, mais l'élan était trouvé, le sens était donné pour que notre aventure passe du tourisme, auquel nous n'avons pas toujours échappé, à l'ouverture des yeux, de l'intelligence et du cœur. Et plus nous avons avancé dans le voyage, plus nous avons ressenti ce besoin d'aller à la rencontre : si nous étions allés à New York en dernière étape, et non en premier stop, je suis convaincue que le shopping sur Broadway aurait été remplacé, au moins en majeure partie, par une visite au Points Cœur du Bronx.

Ce livre garde mémoire avec fidélité de ces mois que nous avons partagés avec tant de joie et qui donnent un souffle particulier et essentiel à notre vie redevenue sédentaire. Le voyage et l’aventure en famille sont enrichissants et consolidateurs ; que les globe-trotters en devenir n’hésitent pas à parcourir ces pages avant de courir le monde.
 Ce récit récompense la persévérance d'Ariane, notre cadette, qui a écrit son journal de bord en toutes circonstances et tous lieux sans sauter une seule journée.
Mais son objectif principal s’étend bien au-delà de notre propre expérience : il consiste à témoigner de l'action de ceux qui ne se résignent pas à la misère et à l'intolérance, de ceux qui laissent spontanément parler leur cœur comme un enfant avant de peser le pour et le contre, de ceux qui acceptent de ne servir que quelques personne sans être désespérés de ne pas en servir des milliers, de ceux qui se posent la même question que notre Marthe  de trois ans « Pourquoi est-ce qu'il y a des pauvres et des riches ? » sans trouver de réponses satisfaisantes.

Pour que ces paroles soient révélatrices de ce que nous avons vécu en tant que famille et faciles d'approche par des jeunes, Ariane, du haut de ses onze ans, me donnera la réplique pour présenter notre vie au quotidien, nos peurs, nos erreurs et nos coups de cœur, les beautés de la terre et nos fous rires, nos fiertés et l'admiration face à ceux qui se sentent responsables de la planète et de leur prochain.

Récit de voyage, nous parcourrons des milliers de kilomètres en avion, caddy de supermarché, taxi-brousse, ambulance, mobylette et pirogue, de la forêt amazonienne à l'île de Pâques, d'un village malgache à une mégalopole asiatique.

Récit de voyage, ce livre est forcément une invitation à se mettre en marche, au sens propre et figuré. C'est une invitation à rencontrer ceux et celles qui donnent un sens supplémentaire, une coloration différente, un goût plus prononcé à la vie et qui nous poussent à agir, à nous mettre au service, nous aussi.


Bon voyage et belles rencontres inspirantes.